Des forêts, pas des barrages
En 2009, on apprenait par voie inofficielle que le gouvernement du Sarawak comptait construire une série de 12 barrages hydroélectriques dans la forêt pluviale. Grâce à une campagne infatigable du Bruno Manser Fonds et de ses organisations partenaires sur place, il a été possible, en 2016, de bloquer la construction de la plus contestée des digues, le barrage sur le Baram. Le Bruno Manser Fonds a par ailleurs pu donner des impulsions supplémentaires, si bien que les entreprises électrique Sarawak Energy mettent aujourd’hui en œuvre une stratégie énergétique alternative avec un accent placé sur l’électrification rurale. Malheureusement, le barrage hydroélectrique de Baleh est actuellement quand même en construction. La question de savoir si d’autres barrages seront réalisés trouvera sa réponse dans la pression de l’opinion publique.
Gigantisme et corruption
En 2008, on apprenait que le gouvernement du Sarawak, sans en informer l’opinion publique, avait développé des plans pour la construction de 12 barrages hydroélectriques, à long terme même jusqu’à 50 digues. Alors que la puissance installée au Sarawak en 2009 était de 1200 MW, le potentiel de ces 50 barrages atteindrait 20’000 mégawatts. En 2011, le barrage de Bakum, l’un des plus grands d’Asie, commençait à livrer ses 2’400 mégawatts. Le barrage de Murum, terminé en 2016, devrait pour sa part livrer 944 mégawatts.
Les barrages auraient pour but de permettre la mise en place d’un gigantesque programme d’industrialisation, dénommé SCORE, Sarawak Corridor of Renewable Energy (corridor du Sarawak pour les énergies renouvelables). Le gouvernement rêvait de projets industriels pharaoniques comme des usines d’aluminium, notamment connues pour leur grande nocivité. D’ici à 2030, SCORE devrait bénéficier de 105 milliards de dollars US d’investissements, en faisant le projet énergétique le plus ambitieux et le plus onéreux de tout le sud-est asiatique.
Nos recherches montrent que la famille entourant le gouverneur du Sarawak et ancien chef du gouvernement Taib profite directement de la construction des digues. La famille Taib possède en effet des participations dans des entreprises qui ont obtenu des contrats de Sarawak Energy tant pour la construction des lignes électriques que pour des lotissements pour les personnes déplacées. Une des entreprises de Taib possède même un quasi-monopole sur le ciment. Par ailleurs, les entreprises des Taibs investissent dans les fonderies et construisent de nouvelles routes au nom de SCORE. Pendant ce temps, Transparency International a remis au barrage de Bakun le label peu glorieux de «Monument de la corruption».
Succès grâce à la résistance
Les autochtones du Sarawak ont déjà expérimenté à leurs dépens ce que signifient pour eux les barrages hydroélectriques: perte de leurs terres, de leur culture et de leur identité ainsi qu’absence de perspectives. Le barrage de Bakun n’a pas juste inondé près de 700 km2 de forêt tropicale, à la fin des années 1990 il a également délogé 10’000 autochtones. Le barrage de Murum a englouti pour sa part 250 km2 de forêt pluviale et forcé le déplacement de 1400 autochtones.
Les communautés locales habitant le long du fleuve Baram ont résisté au destin des déménagements forcés et se sont organisées contre le barrage sur le Baram, qui aurait touché jusqu’à 20'000 autochtones et 400 km2 de forêt pluviale. En 2011, ils ont à cet effet créé le réseau SAVE Rivers, en collaboration avec d’autres acteurs concernés par des barrages, dans le but de lutter contre les projets de barrages au Sarawak. Le Bruno Manser Fonds a soutenu depuis lors les protestations locales, des pétitions, des procès et, en particulier, les barricades menées dès 2013 contre la construction de la digue en question. Le Renewable & Appropriate Energy Laboratory de l’université de Californie, Berkeley a de son côté élaboré une nouvelle stratégie énergétique alternative, qui mise sur l’électrification rurale. La résistance des communautés concernées et la nouvelle vision énergétique ont finalement convaincu le chef d’alors du gouvernement Adenan Satem: en 2015, il décrétait un moratoire sur le barrage du Baram et, début 2016, enterrait le projet pharaonique en rendant les terres expropriées aux autochtones.
Le Bruno Manser Fonds et SAVE Rivers s’engagent désormais, sous la devise #MicroNotMega en faveur des microcentrales hydroélectriques et de l’énergie solaire. Cela permet d’approvisionner les villages retirés en électricité durable, alors que les gigantesques barrages hydroélectriques ne servent qu’à la grosse industrie. Lisez-en davantage dans notre projet Énergies renouvelables.
Informations complémentaires
Rapport "Complicit in Corruption: Taib Mahmud's Norwegian Power Man" (2013)
Rapport „No Consent to Proceed“ sur le barrage du Baram (2014)